Au bonheur des dames

programme

Jonathan Pontier, Julien Duvivier
Au bonheur des dames / 1h30


Film muet de Julien Duvivier (1930)
Scénario, Noël Renard d'après Émile Zola

Musique, Jonathan Pontier Au bonheur des dames, poème de l’activité moderne (2018)
co-commande Accroche Note / Musica

création mondiale
Accroche Note
Clarinette | Armand Angster
Accordéon | Marie-Andrée Joerger
Violoncelle | Christophe Beau
Guitare électrique | Christelle Séry
Échantillonneur | Jonathan Pontier
Voix enregistrée | Françoise Kubler
Ingénieur du son | Frédéric Apffel

Fin de la manifestation à 18h30

Encore apprenti-compositeur, Jonathan Pontier avait été confronté à l’image animée, réalisant la musique de courts et moyens métrages. C’est un rapport bien différent au cinéma qu’il inaugure cette fois, la musique conçue pour un film muet devenant de fait sa bande-son intégrale. Les quatre-vingt-dix minutes que dure Au Bonheur des Dames de Julien Duvivier (1930) exigent une grande variété de situations et de couleurs musicales, mais surtout une vision dramaturgique compatible avec celle du film sans pour autant lui être subordonnée.

Jonathan Pontier se méfie du rapport patrimonial au passé de l’image, qui l’obligerait à une forme de relecture ou d’exégèse en musique. La temporalité plutôt introspective du film de Duvivier, et davantage encore le fait que les images parlent d’elles-mêmes l’ont cependant attiré. La tête dans la musique dite «  contemporaine », le cœur dans le rock et les musiques amplifiées, il se sent armé pour s’emparer du propos du film : une ode au progrès, envisagé cependant selon un point de vue ambivalent. Même la romance entre Denise, jeune provinciale montée à Paris en espérant trouver du travail chez son oncle Baudu, et Octave Mouret, directeur du grand magasin Au bonheur des Dames, a inspiré le compositeur : car c’est elle qui, en dépit de son caractère mélodramatique, donne au film son rythme et sa vie.
L’effectif instrumental, dans lequel on peut éventuellement voir une dualité métaphorique – artisanat versus industrie, tradition versus innovation – se compose d’instruments à la fonctionnalité versatile : clarinette basse, accordéon, violoncelle, guitare électrique et échantillonneur ouvrent des perspectives multiples, de genres, de pratiques musicales, de timbres comme de climats et de références culturelles. Il permet également de jouer sur l’ambiguïté de l’identité stylistique, l’accordéon pouvant par exemple produire des sons bruitistes aussi bien que sonner de façon fortement idiomatique. Se dessine ainsi un jeu sur les codes culturels, qui permet à Jonathan Pontier de se positionner comme un commentateur distancié du film. La façon dont Duvivier se focalise sur les deux personnages principaux, laissant de côté bien des pans du roman de Zola, l’invite à filtrer à son tour le récit au prisme de sa propre subjectivité.
La prédilection du compositeur pour l’alliage de la composition écrite et d’une improvisation cadrée rencontre naturellement la polyvalence d’Accroche Note. En outre, elle ne saurait mieux s’accorder avec la respiration d’un film dont certaines séquences appellent une musique entièrement notée, tandis que d’autres exigent des interprètes une réaction spontanée. Celle-ci, provoquant une dramaturgie musicale de l’instant, conjure le temps fixé du ciné-concert et ouvre des fenêtres dans l’écran.

Musica'Off

Remerciements à l’ARCAL, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical (résidence de création)

Avec le soutien du CNC et de la Sacem